"Le président de France Nature Environnement Bourgogne Franche-Comté alerte sur les arrêtés préfectoraux qui viennent d'être pris au coeur de l'été et restreignent selon lui la protection des cours d'eau. Interview"
Même les défenseurs de la nature n’ont rien vu venir ni passer. Les préfectures des différents départements vien- nent de prendre des arrêtés concer- nant les périmètres à respecter dans l’épandage des pesticides à proximité des cours d’eau au terme d’une consultation à laquelle personne n’a participé, faute d’être averti. Il est vrai que la France étant pressée par l’Europe de régler la question suite à l’arrêté ministériel du 4 mai dernier relatif aux conditions d’utilisation des produits phytosanitaires, le temps pressait. Du coup, après 21 jours de consultation publique très théorique qui s’est achevée le 19 juillet dans le Doubs, le 31 en Haute-Saône, le 1er août dans le Territoire de Belfort et le 4 dans le Jura, les arrêtés n’ont fait l’objet d’aucune remarque ni préconisation.
Au grand dam de Pascal Blain, président de France Nature Environnement (FNE) Bourgogne Franche-Comté.
Comment se fait-il que vous n’ayez pas été au courant ?
Tout simplement parce que les préfectures ont seulement associé les chambres d’agricultures et syndicats agricoles à la concertation. Mais aucune association. Nous savions que c’était dans l’air au plan national mais nous avons été alertés trop tard. Seule notre fédération du Jura a déposé des remarques mais en catastrophe.
Que modifient ces arrêtés départementaux ?
Nous espérions qu’ils viendraient renforcer la protection des cours d’eau, or c’est un recul. C’est-à-dire ?
Déjà, la prise en compte dans la réglementation nationale de la protection des riverains que nous espérions est remise à plus tard. C’était pourtant une promesse du ministère de l’Agriculture que d’établir des périmètres (nous avions demandé 50 m minimum) entre les épandages de pesticides et les zones sensibles telles que les écoles et les maisons de retraite, mais cela peut être étendu aux zones d’habitation. Ceci n’est donc pas pris en compte au plan national et le niveau départemental ne concerne que la définition des points d’eau. Or là, il y a du recul.
Qu’est-ce qui ne vous convient pas s’agissant de ces points et cours d’eau ?
Jusqu’à présent, la réglementation stipulait que tout ce qui figurait en pointillé sur les cartes IGN (représentant en général de petits cours d’eau intermittents) faisait l’objet d’une protection. Aujourd’hui, on met cette protection entre parenthèses et on nous dit que ce sera mieux demain parce qu’on est en train de les expertiser. Ce qui est grave pour nous FNE, c’est que tout ce petit chevelu de ruisseaux qui convergent vers la rivière ne sera plus pris en compte dans la protection mais ‘‘expertisé’’. Ce sont autant de petits cours d’eau qui ne sont plus concernés par la protec- tion nationale qui prévoit une zone de 5 m autour des zones vulnérables que sont les cours d’eau.
N’étant plus considérés comme tels, tous les petits cours d’eau vont disparaître de cette protection.
Quels sont les risques selon vous ?
Une propagation encore plus importante des pesticides dans les cours d’eau avec les enjeux de santé publique que cela représente. Rappelons que le rapport de novembre 2015 du Commissariat général au développement durable sur les pesticides dans les cours d’eau français a confirmé la contamination généralisée des cours d’eau par les pesticides. Des résidus de ces substances ont été trouvés dans la quasi-totalité (92 %) des cours d’eau français. Et dans plus de la moitié des cas, au moins dix résidus de pesticides différents ont été trouvés.