3. Boisements et cours d’eau
Le contexte forestier influence fortement le comportement des rivières. En particulier la présence des forêts a une incidence forte (positive ou négative, selon les situations) sur le régime des eaux, en modifiant les phénomènes d’évaporation par rapport à des zones enherbées, en ralentissant la vitesse d’écoulement des pluies, ou encore en pompant de l’eau plus profondément. Il faut donc être très attentif vis à vis de toutes les interventions forestières sur les bassins versants et à proximité des rivières.
Dans un contexte de lutte contre l’effet de serre, certains pensent que des mesures en faveur du boisement sont nécessaires. Mais attention, le boisement n’est pas souhaitable dans certains types de milieux et toutes les essences ne sont pas nécessairement adaptées elles non plus.
Les forêts alluviales ou ripisylves :
Ces formations végétales naturelles en bordure de cours d’eau, sont composées d’essences de régénération spontanée (saules, aulnes, peupliers autochtones, chênes, frênes… en fonction du stade d’évolution). Plus ou moins proches du courant, aux abords des rivières divagantes, elles sont périodiquement détruites et régénérées dans la zone de déplacement des méandres ; elles peuvent occuper une surface importante du lit majeur (la forêt alluviale est aujourd’hui relictuelle). Aux abords des petites rivières, généralement peu mobiles, la ripisylve utile à la vie aquatique peut se réduire à un cordon en bord de berge.
La ripisylve est un des éléments multiples qui contribue à la qualité du milieu aquatique. Outre l’importante richesse biologique qu’elle représente (faune et flore variées…), elle joue un rôle majeur dans la quantité et la qualité des ressources en eau, en intervenant :
- dans la régulation du régime hydrologique des cours d’eau (améliorant l’infiltration et le stockage de l’eau dans les nappes et les sols en période de hautes eaux, la restituant progressivement à l’étiage), elle permet ainsi le ralentissement de l’écoulement des crues ;
- dans l’épuration des eaux (piégeage, absorption des nutriments, sites de décomposition de nombreux polluants par des bactéries…).
La conservation du fonctionnement naturel des ripisylves et leur régénération naturelle sont donc nécessaires.
Sur les petits cours d’eau, une succession de zones ombragées et de zones de lumière est nécessaire à la vie aquatique.
Les boisements artificiels de résineux :
Au 19ème siècle de nombreuses forêts ont été plantées pour limiter les crues dévastatrices. Il semble que l’effet de ces forêts ait été positif. Ensuite, au cours des dernières décennies, de nombreuses zones de socle ont été enrésinées suite à la déprise agricole. Ces boisements récents sont plus problématiques.
En effet, de nombreux peuplements anciens, en feuillus ou en essences mélangées, ont été supplantés par des peuplements denses de résineux. Des tourbières et autres zones humides furent asséchées afin de les boiser.
Les peuplements denses et au feuillage persistant tout au long de l’année, prélèvent sur les sols peu profonds l’humidité qui entretenait la ressource en eau des petits bassins de montagne dont l’hydrologie est déjà fragile à l’étiage en particulier en Montagne bourbonnaise et dans le Livradois. Si le boisement a un effet de rétention de l’eau et des crues en période pluvieuse, il évapore par contre beaucoup d’eau durant les épisodes secs. Le constat a été fait que des plantations récentes de résineux ont asséché des sources et des puits.
Certains massifs forestiers sont au contraire des régulateurs hydrologiques suivant l’altitude, le régime des précipitations, la constitution du sol, les essences forestières, leur mode de gestion… Tel est le cas du Massif des Bois Noirs situé entre 800 et 1 300 m d’altitude à la limite des trois départements, Loire, Allier, Puy de Dôme.
L’étude approfondie de l’incidence des boisements sur l’hydrologie, notamment en montagne, reste à faire.
En bordure de rivière, les boisements artificiels de résineux, particulièrement en Douglas et Epicéas, ne jouent pas le rôle bénéfique d’une ripisylve. Ils présentent au contraire de nombreux inconvénients pour les petits cours d’eau. L’ombrage qu’ils génèrent tant en hiver qu’en été empêche le développement des autres formes de vie végétales et par conséquent la biodiversité qui y est associée ; les litières qu’ils produisent provoquent l’acidification des sols et des cours d’eau, entraînant une diminution du nombre d’organismes aquatiques et l’apparition de formes toxiques de l’aluminium. A moins de 25 m des ruisseaux, les plantations étouffent les essences de ripisylve ainsi que la vie dans l’eau et sur ses abords.
Les boisements artificiels de peupliers hybrides, pas plus que ceux de résineux, ne peuvent être assimilés à des forêts riveraines ; ils posent aussi des problèmes d’érosion des berges et d’appauvrissement de la biodiversité. La populiculture entraîne aussi l’abâtardissement du Peuplier noir en voie de disparition.
Les plantations à vocation économique ne sont aujourd’hui exploitées qu’à moitié de leur productivité. La meilleure utilisation des sols en déprise réside-t-elle dans de nouveaux boisements ? Certains espaces abandonnés ou indument plantés, notamment des zones humides, des prairies de fond de vallées, voire certains alpages d’altitude, mériteraient un retour à leur état initial. Les plans de boisement devraient y inciter ; une politique agricole devrait permettre l’entretien et la rentabilisation adaptés des espaces ouverts ou semi-ouverts.
La FRANE souhaite donc le maintien d’un équilibre entre forêts et pâturages. Elle souhaite qu’un maximum de réflexion ait lieu sur l’avenir de territoires où la forêt artificielle a, probablement, trop pris d’ampleur. Dans ce cadre, il est également important de veiller à préserver les boisements interstitiels (haies, bosquets, arbres isolés…) qui permettent d’assurer le lien entre espaces boisés et milieux ouverts et qui ont aussi un rôle bénéfique dans la gestion de l’eau (filtration de l’eau, capacité de rétention de leur système racinaire…). Il importe donc de ne plus arracher ces formations et d’en replanter dans les plaines agricoles où elles ont aujourd’hui quasiment disparu.
4. Les drainages, curages, et calibrages
Le développement des surfaces cultivables, la recherche de meilleures conditions de travail aux champs pour les agriculteurs, ou encore l’accroissement des terrains constructibles ont conduit à une régression lente et inexorable des zones humides. La question est de savoir jusqu’où va aller ce processus dont les conséquences négatives sont maintenant de plus en plus nettes. Alors que l’eau devient un bien rare, il est en effet de plus en plus nécessaire de conserver les zones humides qui subsistent.
Au cours du 20ème siècle en France, 2,5 millions d’hectares de zones humides ont été asséchés. Cela représente environ la superficie de 5 départements français.
Les surfaces de terres ou prairies humides drainées, par enfouissement de drains ou par création de fossés, ont été multipliées par 4 entre 1980 et 2000 (source IFEN). En Auvergne, les surfaces drainées progressent de 2 000 ha par an.
La rectification et le curage des ruisseaux et rivières ont entraîné le tarissement des réserves d’eau contenues dans les terrains limitrophes.
Ainsi la sécheresse n’est pas due seulement au climat et aux prélèvements d’eau mais aussi à la perte des capacités aquifères du territoire, capacités qui soutenaient les étiages. Le déficit en eau devient plus précoce et l’irrigation se pratique ainsi de plus en plus tôt. En automne, les crues sont plus fréquentes et plus rapides, suite à la disparition des milieux capables de les amortir.
Les opérations d’assèchement furent un temps soutenues par des fonds publics. Elles sont désormais interdites par le SDAGE Loire-Bretagne et vont à l’encontre de la Directive Cadre européenne sur l’Eau.
Encadrées par décret, elles restent néanmoins tolérées et parfois même subventionnées par certaines collectivités. Elles sont désormais à prohiber.
Pour plus d’éléments : cf. plate-forme « Agriculture et Environnement » de la FRANE, validée par son CA le 18 mai 2005.