Le droit de la nature a 40 ans . Il nous faut perpétuer et renouveler l’ambition de la loi de 1976 !

Il y a quarante ans, la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature a reconnu la préservation des espèces animales et végétales, ainsi que la protection des milieux et ressources naturels d’intérêt général. Elle constitue toujours aujourd'hui un des piliers du droit français de l’environnement. Explications.

 

 

Dotée d'une forte ambition, cette loi a mis en place l’étude d’impact, inventé la protection d'espèces de faune et de flore à travers les notions d’espèces protégées et d’arrêtés de protection de biotope et modernisé les outils « réserve naturelle » et « forêts de protection ».

Des outils novateurs

Ces outils se sont progressivement déployés, parfois après un processus long et difficile (ce n’est qu’en 1981 qu’est publiée la première liste d’espèces protégées consacrée aux mammifères). Aujourd’hui, 1 881 espèces bénéficient d’une protection intégrale ou partielle, nationale ou régionale, en France métropolitaine. Cette protection aura permis le rétablissement des effectifs d’espèces comme les hérons ou les marmottes et le relatif succès des plans d’actions en faveur du Gypaète barbu ou du Vautour faune. Mais ces succès concernent quelques dizaines d'espèces emblématiques d'oiseaux et de mammifères, ce qui pèse peu face aux dizaines de milliers d'espèces abritées par les territoires français dont la situation s'est globalement détériorée[1].

La France compte aujourd’hui 341 réserves naturelles (dont 167 nationales couvrant environ 2,7 millions d’ha terrestres et maritimes) et 853 arrêtés de protection de biotope (192 000 ha), et a créé plusieurs Parcs Nationaux dont ceux des Calanques et de Guyane. Mais ce bilan flatteur ne doit pas faire oublier la disparition des réserves naturelles volontaires, la faiblesse des moyens pour le fonctionnement et la création des réserves naturelles et des parcs nationaux, ni masquer le fait que les parties terrestres des aires métropolitaines protégées réglementairement couvrent seulement 1,35 % du territoire en 2016 (alors que l'Etat visait le chiffre de 2 % en 2019).

Le dispositif de l'étude d'impact a été une réelle avancée, mais il reste encore aujourd'hui très imparfaitement appliqué qu'il s'agisse du diagnostic, de la pertinence des mesures d’évitement, de réduction et de compensation ou de leur mise en œuvre. Enfin, la problématique des invasions biologiques a explosé depuis 40 ans, posant une problématique totalement nouvelle tant en terme de conservation des espèces que de fonctionnalités écologiques et de conséquences socio-économiques et sanitaires.

La loi du 10 juillet 1976 et les textes qui la complètent nous ont fourni des outils pertinents mais 40 ans après, les enjeux sont toujours plus prégnants et posent de questions toujours aussi essentielles sur les interactions entre la protection de la nature et l'économie, la santé et la qualité de vie. Preuve que la protection de la nature est abordée encore timidement, alors qu'elle devrait être vue comme un facteur-clé d'aménagement durable et de valorisation des territoires.

Nécessaire ambition face à des enjeux toujours forts

« Plus qu’un anniversaire, les 40 ans de la loi de 1976 devraient être  une incitation à nous nourrir de l’esprit et de l'innovation qui ont habité le législateur de l’époque, pour enfin engager résolument les actions et les politiques qui nous permettront de restaurer notre biodiversité » estime Denez L’Hostis, président de France Nature Environnement.

Depuis 1976, notre pays a complété son panel d’outils avec notamment la stratégie nationale pour la biodiversité et les stratégies de création d’aires protégées terrestres et marines ou la trame verte et bleue. Mais dans un contexte morose et sous la pression d’intérêts catégoriels, ces outils sont aujourd’hui au ralenti ou en panne. Pour la partie marine, certes, la France peut se féliciter d'avoir atteint ses objectifs en classant presque 20% de son espace maritime français en aire marine protégée (AMP) avec, notamment, la création de 7 parcs naturels marins en métropole et 2 en Outre-Mer. Malheureusement, les ressources financières nécessaires pour parvenir à une gestion appropriée d’un réseau cohérent d’Aires Marines protégées ne sont pas à la hauteur.

« Sachons nous montrer dignes de nos prédécesseurs et à la hauteur des enjeux », exhorte Jean-David Abel, vice-président en charge des questions de biodiversité, « en relançant ces outils et en nous engageant collectivement et durablement pour la nature et la biodiversité, qui doit faire face aux nouvelles pressions des changements climatiques et des invasions biologiques ».

Malheureusement, France Nature Environnement constate que la future loi pour la reconquête de la biodiversité, qui termine son laborieux parcours législatif et portait à l'origine nombre d'attentes, n'a pas l'ambition de son aînée, alors que les enjeux n'ont fait que s'amplifier depuis 40 ans. D'où notre appel aux parlementaires et à l'Etat : il est plus que temps d'être enfin « moderne » !

 

[1] Les populations d’oiseaux communs les plus sensibles aux dégradations des écosystèmes ont baissé de 23 % entre 1989 et 2015 selon l’Observatoire national de la biodiversité. La moitié des milieux humides (52 %) et moins de la moitié des eaux de surface (43 %) sont en bon état, quand 22 % seulement de l’ensemble des milieux naturels d’intérêt européen sont évalués en bon état de conservation.

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