Retrouvez ci-dessous l'avis FRANE-FRAPNA sur le PAR Nitrates d'Auvergne-Rhône-Alpes.
Contribution à la consultation publique sur le PAR Nitrates AuRA
Nous restons perplexes devant des direct ives aussi « précises » alors qu'en face l'évaluation du 5e plan met en exergue l'impossibilité d'évaluer correctement le suivi des quantités de nitrates retrouvées, totalement déconnectées de la cartographie. Comment prouver dans ces conditions une amélioration ou pas ?
La définition des zones vulnérables ZV reste toujours indépendante du PAR et basée sur des dosages ponctuels de nitrates dans l'eau, ces données étant indisponibles sur les ZNV. Les justifications de classement et déclassement manquent de transparence, comme le met en évidence l'Autorité Environnementale. La définition des ZV par le Code l'Environnement mentionne que ce sont des zones où « les eaux peuvent être atteintes ou sont susceptibles d'être atteintes par la pollution par les nitrates », le choix de se baser sur des chiffres de nitrates dans les eaux -issus de campagnes menées tous les 4 ans- pour définir les ZV n'est pas forcément le meilleur....
Le 6e plan AuRA a apporté quelques aspects positifs : quasi impossibilité de destruction chimique des inter-cultures, possibilité d’utiliser des légumineuses pures comme CIPAN en agriculture biologique
Cependant, demeurent de nombreux aspects négatifs :
- les ZNT (nitrates et phytosanitaires) de 5 m en bord de petits cours d'eau non définis comme BCAE ou fossés disparaissent désormais (le PAR Auvergne précédent recommandait cette bande même dans ces cas, ceci constituait d'ailleurs un indicateur). On peut remarquer que cette zone étroite de 5 m n'est pas en cohérence avec la mesure 6 du PAN, qui préconise une bande de 35 m pour les fertilisants de type 1 et 2 :
- les dates des épandages, bien que légèrement modulées (montagne), dans un contexte de variabilité météo sur un vaste territoire, peuvent parfois être en décalage et sembler arbitraire.
- De même, en l’absence de pédagogie, les dates d'implantation et de destruction des inter-cultures, ne sont pas toujours respectées et sont l’objet de nombreuses demandes de dérogation. Les inter-cultures estivales dont l'intérêt agronomique est évident, ne sont pas encouragées.
- Sur les ZAR, le retournement est autorisé sur des prairies de moins de 6 ans (pourquoi plus 5?).
- Enfin les indicateurs se restreignent désormais aux indicateurs dites de « réponse » aux directives (en fait les « non conformités ») et ont disparu les indicateurs qui apparaissaient les plus objectifs (bien qu'insuffisamment renseignés comme l'indique l'évaluation du 5e plan) : « d'état » (valeurs chiffrées des nitrates) et de « pression » (tailles, types d’exploitation…). L'insuffisance des contrôles du 5e plan relevée par l'évaluation explique peut-être cela ? On a gardé les indicateurs les plus simples à obtenir (lectures de documents), mais aussi les moins aptes à apporter une évaluation objective du suivi et de l'efficacité de toutes ces procédures. En plus se restreindre à un relevé de « non conformités » est anti pédagogique et ne valorise pas les bonnes pratiques !!
Malheureusement, on peut préjuger que le 6e plan ne permettra pas plus que le 5e plan-si ce n'est moins- d'évaluer réellement l'effet de ces directives sur les nitrates, dont on sait qu'ils sont globalement en excès.
Concernant les indicateurs nous pensons important d’insister sur les remarques de l’Evaluation Environnementale (Studeis) et de l'Autorité environnementale :
– L'Evaluation Environnementale propose d'autres indicateurs (ex : description des pratiques d'épandages, types et quantités de fertilisants utilisés etc..) pour lesquels un travail de coordination entre différentes instances apporterait les données : DREAL, DRAAF, DDT, ARS, AFB, ASP, CA, coopératives et négoces et syndicats agricoles et associations environnementales.
– L'autorité environnementale Ae préconise aussi des indicateurs d'état plus nombreux, ils existent, mais comme le dit l'administration en réponse à l'Ae « pas de moyens pour collecter les données nitrates trop dispersées ». A la proposition de l'Ae d'apporter d'autres éléments objectifs (fertilisants utilisés ou pratiques agricoles), là aussi l’administration ne répète pas « pas de moyens pour collecter les données... ». Alors à quoi servent tous les dossiers, contrôles demandés aux exploitants ?
Concernant la qualité des eaux,
- l'Evaluation Environnementale relève une qualité « excellente à suffisante » des eaux de baignade en AuRA, c'est ignorer la fréquence des cyanobactéries dans beaucoup de points d'eau de baignade (effacées par les « pavillons bleus » annuels !!) : les cyanobactéries, boostées par les phosphates et repues de nitrates -quand elles ont des nitrates à disposition comme les légumineuses, elles régulent leur activité de transformation du N2 atmosphérique- pullulent certaines années et parfois poussent sur une épaisseur d'une quinzaine de mètres en dessous de la surface de l'eau (Tazenat 2016).
- L'Evaluation Environnementale relève une augmentation marquée des phénomènes d'eutrophisation des moyens et petits cours d'eau en AuRA. Pourtant les zones sensibles à l'eutrophisation ne sont pas forcément considérées comme zones vulnérables (Autorité Environnementale).
Concernant la qualité de l'air, nous avions nous mêmes remarqué une absence totale de prise en compte des émissions d'azote dans le 6e plan. L'Autorité Environnementale a simplement réussi à obtenir que l'Administration rajoute des données ATMO au 6e plan (très explicites par ailleurs sur la contribution de l'agriculture dans la région pour les émissions de NH3, CH4, N2O et de façon moindre pour petites particules et Nox).
Concernant beaucoup de paramètres importants
– comme les types de fertilisants utilisables, dont les lisiers trop liquides, l'acceptation de boues industrielles locales (sur lesquelles on a peu de renseignements, les communes étant en première ligne) et les boues de STEP (qui en plus de l'azote contiennent des produits chimiques, biologiques, des médicaments et dont l'utilisation est interdite dans beaucoup de pays d'Europe)
– les préconisations de stockage en grande quantité des effluents animaux, ayant conduit à l'endettement de beaucoup d’éleveurs « intensifs » (mesure 2),
seul le plan National PAN est compétent, ceci dans un contexte de prévision inexorable de diminution de l'élevage et d'une demande d'évolution vers la qualité des aliments produits.
L'Autorité Environnementale propose une stratégie plus globale de suivi, à une échelle plus logique (bassins par exemple) et qui est complètement rejetée par l'administration.
Celle-ci « en bonne élève » continue à appliquer une stratégie de directive datant de 1991 !!, qui bien que cohérente avec de nombreux schémas environnementaux, manque totalement de données objectives de suivi et reste déconnectée des pratiques agricoles.
Résultat : un PAN intouchable, des PAR régionaux à impacts réduits (et pourtant quelle énergie dépensée), le tout constituant pour l'agriculteur des contraintes supplémentaires mal vécues.
Arlette Tridon et Philippe Grenier, commission agriculture FRANE
Marc Peyronnard, pilote réseau agriculture FRAPNA