La pollution lumineuse

Le moins qu’on puisse dire c’est qu’homo sapiens est mal équipé pour se déplacer la nuit, avec une vision, un odorat et une ouie plutôt médiocres. La maîtrise du feu et la vie en société ont permis d’améliorer les choses. Quand, au 18ème  siècle, le premier lampadaire fit son apparition au coin de deux rues, ce fut une révolution. A partir de cette époque c’est développé une vie nocturne, spectacles, cabarets, théâtres, travail de nuit. Au 20ème  siècle, avec l’arrivée d’une énergie facile et peu chère, l’éclairage public fit un bond en avant, ainsi que l’industrie de l’éclairage.

 

Une pollution nouvelle fit son apparition : la pollution lumineuse.

 

Les astronomes tirèrent la sonnette d’alarme les premiers, dés les années 60, sur la démesure dans laquelle était entrée ces éclairages, ils furent vite rejoint par des naturalistes, biologistes ou amoureux de la nature qui constataient la disparition d’espèces animales et végétales, puis par de simples contribuables qui s’alarmaient par ce gâchis énergétique.

 

Car en plus de l’éclairage public, il faut y rajouter tous les éclairages des commerces et des industries, toutes ces enseignes ou faisceaux lumineux tournoyants dans le ciel et surtout tous ces éclairages dits « de mise en valeur »: un arbre, une ruine isolée, une falaise, un site naturel, tout est susceptible à éclairage et risque de se voir entouré d’une batterie de projecteurs.

 

Toute pollution a des conséquences négatives sur l’environnement et la biodiversité. La pollution lumineuse ne déroge pas à cette règle.

 

La première de celles-ci est la disparition du ciel étoilé. Dans un lieu dépourvu de pollution lumineuse nous pouvons voir, à l’œil nu, trois mille étoiles, au milieu des centres-villes il n’en reste plus qu’une vingtaine. Les halos des villes se voient à plus de 100km. Actuellement on estime que 80% des européens n’ont jamais vu la voie lactée.

 

Pourtant le ciel étoilé fait partie du patrimoine de l’humanité, de tout temps les poètes, religions, civilisations ou croyances populaires font référence aux étoiles. C’est un spectacle grandiose et gratuit, alors pourquoi se priver de ce spectacle.

 

Mais les étoiles reviendront instantanément quand la lumière s’éteindra, il n’en sera pas de même pour toute une faune et une flore menacées de disparition dans la plus grande indifférence.

 

Car la nuit est vivante.

 

La vie est apparue sur terre il y a environ 3,7 milliards d’année, elle s’est développée selon un cycle circadien, moitié jour, moitié nuit. En quelques années l’homme a bouleversé ce rythme, maintenant la nuit a été remplacée par un crépuscule permanent, la faune ne peut pas s’adapter.

 

75% des insectes sont nocturnes, beaucoup d’entre eux sont migrateurs. La pollution lumineuse serait la seconde cause de mortalité après les pesticides, selon le muséum d’histoire naturel. Une expérience dans le nord de la France a permis de démontrer, qu’autour d’un point lumineux toutes les espèces remarquables disparaissaient sur un rayon de 200m en 2 ans. Les insectes sont à la base de la chaîne alimentaire, les nocturnes n’échappent pas à la règle. Leur disparition aura des répercutions sur la biodiversité en générale, y compris sur les espèces diurnes.

 

Prêt de la moitié des fleurs sont pollinisées la nuit (courgette, géranium, ipomée, belle de nuit…) avec la disparition des insectes nocturnes une grande partie de ces plantes disparaîtra aussi.

 

Les batraciens, tous nocturnes, subissent eux aussi les effets dévastateurs de la lumière artificielle qui réduit leur capacité à faire la différence entre un prédateur ou un congénère ou attendent une nuit hypothétique pour commencer la parade nuptiale.

 

Le brame du cerf c’est à minuit, pas à midi. La moitié des mammifères se déplacent la nuit, une route éclairée ou la présence de lumière artificielle isole des populations de chaque coté, sans qu’elles puissent se rencontrer. La pollution lumineuse participe donc au morcellement des habitats.

 

Dans le schéma territorial de la trame verte et bleue il sera indispensable de prendre en compte les effets de la pollution lumineuse et y inclure la notion de trame nocturne.

 

Les oiseaux migrateurs subissent également une hécatombe importante. Plus des deux tiers des migrations se font la nuit, avec pour repères les étoiles et le champ magnétique de la terre. Ils sont désorientés par toutes ces lumières artificiels qui masquent les étoiles ou par les faisceaux laser dirigés vers le ciel. Ils tournent en rond, s’épuisent ou se détournent de leur route hypothéquant gravement la fin de leur migration. Certains sont attirés par les lumières des plates-formes pétrolières, des ponts ou des gratte-ciel et viennent se fracasser sur les infrastructures.

 

La pollution lumineuse participe également à l’eutrophisation des plans d’eau en bousculant le fragile équilibre du plancton.

 

On nous oppose toujours « la sécurité », c’est le parapluie qui permet de justifier des mises en lumière déplorables « C’est pour la sécurité, alors on a mis la lumière ».  Les lobbys industriels ne sont pas loin.

 

La question est donc la suivante : sommes nous en sécurité sous la lumière ?

 

S’il est indispensable d’éclairer un trottoir, un passage pour piéton ou la sortie de l’école, il est superflu de mettre en lumière des axes où ne circulent que des véhicules. Les constats de la sécurité routière sont éloquents, l’éclairage des routes n’apporte pas le gain de sécurité tant attendu. Bien au contraire l’absence d’éclairage incite à la vigilance et permet un meilleur contraste, les panneaux routiers, tous réfléchissants, sont mieux vus.  

 

Les véhicules du 21¨siècle sont parfaitement équipés pour voir et être vus. Il est plus judicieux et économique de privilégier des solutions passives : bandes blanches, catadioptres, dos d’âne, panneaux réfléchissants, etc. Solutions particulièrement économiques qui ne tombent jamais en panne donc ne demandent pas d’entretien.

 

L’exemple des autoroutes A15 et A16 plongées dans le noir subitement, a permis de mettre en évidence une plus grande prudence des conducteurs, le nombre d’accidents aurait baissé d’environ 20% sur ces deux axes en trois ans. Ce qui a inciter la région île France à éteindre 150km d’autoroutes et quatre voies. D’autres communes ont emboîtées le pas et n’éclairent plus leur rocade.

 

La sécurité des biens, non plus, n’est pas protégée par la lumière, puisque les assureurs nous confient que 80% des délits ont lieu en journée avec un maximum entre 14h et 16h. D’ailleurs un malfaiteur a besoin de lumière lui aussi.

 

Tout cela a un coût : cinq cent cinquante millions d’euros par an, nous dit l’ADEMME, à cela il faut rajouter huit cent cinquante millions pour l’entretien, payés intégralement par le contribuable français. D’autant que le parc des luminaires est vieillissant, pour ne pas dire obsolète. Un grand nombre de communes rurales ont du mal à supporter le coût de l’éclairage public, le moindre déplacement d’un camion nacelle dépasse mille euros.

 

Pourtant des économies peuvent très bien être réalisées rapidement sans investissements lourds au départ. Celles-ci permettront une modernisation du matériel qui entraînera d’autres économies.

 

La première solution consiste en une extinction en milieu de nuit, chaque commune adoptant cette extinction selon ces besoins. A qui profite ce gâchis quand plus personne ne circule dans les rues. Imaginez que vous preniez une douche de dix minutes, mais que vous laissez l’eau couler dix heures. L’éclairage public c’est ça : dix minutes d’utilisation, dix heures de consommation.

 

L’éclairage permanent des monuments entre dans la banalité et plus personne ne les remarque. L’éclairage occasionnel pour quelques événements dans l’année apporterait un effet de surprise.

 

L’arrêté du ministère de l’environnement, applicable au premier juillet 2013, impose une extinction des bâtiments, vitrines et monuments  à partir de 1h du matin

 

L’utilisation de lampes au sodium peu gourmandes en énergie et ne diffusant pas d’ultraviolet, impactent moins l’environnement. Les puissances peuvent très bien être réduites de moitié sans nuire à cette sacro-sainte sécurité.

 

De façon générale, l’éclairage public doit être limité en intensité et en durée aux stricts besoins de la population et aux impératifs réels de la sécurité. La démarche proposée ici permettra en plus de faire des économies d’énergie, de limiter véritablement notre impact sur l’environnement en réduisant la pollution lumineuse.

 

Certaines communes conscientes des problèmes environnementaux liés à la pollution lumineuse et dans un souci d’économie, signent avec l’ANPCEN une charte de protection de l’environnement nocturne qui reprend ces recommandations. Un cahier des charges technique accompagne cette charte.

 

Actuellement 13 communes auvergnates ont signé cette charte.

 

Daniel Rousset correspondant régional Puy de dôme, Cantal ANPCEN

Association Nationale pour la Protection du Ciel et de l’Environnement Nocturnes

3 rue Beethoven Paris 75016

www.anpcen.fr

Association reconnue d’intérêt général régie par la loi 1901

 

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